Pour Edwige Chirouter, Maître de conférences à l’ESPE Pays de la Loire et Coordinatrice du groupe de recherche « Philosophie. Littérature. Adaptation Scolaire » au sein du Centre de Recherche en Éducation de Nantes, la philosophie, « c’est apprendre à penser par soi-même, à développer le doute, l’estime de soi, se décentrer« . Une compétence très politique et citoyenne, dont l’apprentissage se fait dès le plus jeune âge, partout dans le monde.
C’est du moins l’ambition de la Chaire mondiale de l’UNESCO sur la pratique de la philosophie avec les enfants, que coordonne Edwige Chirouter. En aidant au développement des formations des professeurs des écoles, l’objectif est d’échanger, débattre, et aider les plus jeunes à répondre à leurs propres questions sur la Mort, le Bonheur, ou encore l’Amitié.
Dans la pratique, l’usage de cette philosophie remonte à l’Académie de Platon. Il rêvait de créer une cité idéale, où le philosophe serait roi et le roi philosophe. En cela, l’Unesco poursuit un but assez similaire. Une formation de futurs citoyens, capables de penser par eux-mêmes et développant un esprit critique face aux enjeux et aux solutions de la société.
Philosopher, loin du prêt-à-parler et du prêt-à-penser
La curiosité a-t-elle un âge ? Pour Edwige Chirouter, maître de conférence en Sciences de l’éducation à l’Université de Nantes et coordinatrice de la Chaire mondiale de la pratique philosophique pour les enfants, la philosophie apparaît avec la question.
« Il n’y a pas d’âge pour se poser des questions philosophiques et apprendre à penser. La pratique de discussions philosophiques dès le plus jeune âge développe l’esprit critique, l’argumentation et permet aux futurs citoyens d’être conscients des enjeux du monde contemporain. Elle favorise la coopération, la tolérance et l’écoute. » selon l’Unesco
Selon le philosophe David Laval, penser c’est comme courir, jouer au football ou cuisiner. Inutile de connaître par coeur les livres, il suffit d’être curieux, patient et régulier. Et, contrairement à l’imaginaire commun, cette pratique philosophique intéresse les plus jeunes et les élèves en situation de décrochage scolaire.
« Les ateliers de philosophie sont un moyen d’inviter les élèves qui restent silencieux dans les situations scolaires plus classiques à prendre la parole, tant par les sujets abordés que par les relations entre les élèves. » Selon Les ateliers de philosophie à l’école élémentaire par Christiane Martel
Un autre objectif est donc de maîtriser sa langue, ses nuances, pour avoir une pensée également nuancée. Pour éviter le prêt-à-penser avec un prêt-à-parler. Loin des théories parfois difficiles d’accès de penseurs tels que Pascal, Spinoza, Descartes ou Platon, cette pratique philosophique à l’école impose un rituel de concentration, comme allumer une bougie ou se mettre en cercle, et s’appuie sur des médias comme la littérature, le cinéma ou l’histoire pour provoquer un dialogue entre et avec les plus jeunes.
La France en retard
La pratique philosophique à l’école est mise en place et testée depuis une quarantaine d’années aux Etats-Unis, notamment à travers les romans de Mathew Lipmann. Depuis 2002, elle est introduite en France dans le programme scolaire et depuis 2016, une nouvelle logique permet son développement. Ainsi, la volonté de croiser les disciplines comme les programmes offre des pistes au débat-philo dans les établissements scolaires. S’articulant plus simplement avec l’Enseignement Moral et Civique, à travers des médias contemporains comme des livres, des films, ou encore l’histoire.
La Chaire de l’UNESCO vise à une action émancipatrice des enfants. Les questions sont bien souvent universelles, et les outils employés pour y réfléchir sont similaires entre les pays.
Ci-dessous l’interview complète d’Edwige Chirouter.