Hollyweed ! Au pays du cinéma américain, les fameuses lettres blanches de la colline d’Hollywood ont été la cible de plaisantins pour la nuit du nouvel an. Un clin d’oeil pour fêter la légalisation totale de l’herbe folle en Californie. En France, le débat pourrait redevenir d’actualité avec les campagnes pour les élections présidentielles. Pour Renaud Colson, maître de conférence à la Faculté de droit et des sciences politiques de l’Université de Nantes, la légalisation du cannabis est inévitable.
La France comptait en 2014, 1,4 millions de consommateurs réguliers, selon l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies. Sur une population âgée de 11 à 75 ans et à la même date, 17 millions ont déjà goûté, 4,6 millions fumaient cette herbe folle, selon sa traduction littéraire. Le cannabis est également la première substance illicite consommée par les adolescents qui l’expérimentent parfois dès leur entrée au collège, et plus généralement en troisième. On estime à 47,8% le nombre d’individus ayant testé cette drogue avant leurs 17 ans.
L’enquête scolaire ESPAD de 2011 distingue clairement la France de ses voisins européens en tant que seul pays avec un niveau largement supérieur à 15%. Pourtant, la législation est sévère. Le simple usage peut entraîner jusqu’à un an d’emprisonnement et 3.750 euros d’amende. Aucune distinction n’est faite entre les consommations thérapeutiques, récréatives, ou religieuses. La culture, bien que de plus en développée, est également interdite. Les adeptes de la main verte sont punissables de trente ans de prison et de 7,5 millions d’euros d’amende. Enfin, en cas de trafic, la réclusion criminelle à perpétuité est envisagée. Il s’agit en effet d’un crime, et non-plu d’un délit.
Si le débat revient avec les élections, c’est parce que la légalisation ou la dépénalisation du cannabis représente, pour certains, la solution aux fortes dépenses qu’engendre le combat contre les drogues, évalué à 500 millions d’euros par an. Baisse de la délinquance, augmentation contrôlée du nombre de fumeurs, création d’emplois… L’hebdomadaire libéral The Economist avait plaidé en sa faveur. En février 2016, le magazine explique que la substance « pèse pour plus de la moitié d’un marché de drogues illicites de 300 milliards de dollars » et « reste la drogue de choix de 250 millions de personnes dans le monde ». Un marché juteux entre les mains pour le moment de groupes criminels.
L’inévitable légalisation du cannabis?
Renaud Colson est le co-auteur de l’ouvrage Les drogues face au droit, et du livre intitulé L’inévitable légalisation du cannabis. Le maître de conférence à Faculté de droit et des sciences politiques de l’Université de Nantes ne parle pas de dépénalisation. Entendez le fait que l’Etat refuse de punir pénalement sans autoriser pour autant. Pour lui, la légalisation est inévitable.
Une nécessité ? Interview de Renaud Colson, par Cerise Robin
Il existe une diversité de modèles déjà testés dans d’autres pays. Renaud Colson préconise une légalisation contrôlée rigoureusement, de la production jusqu’aux structures publiques. Celles-ci viendront échanger avec les consommateurs pour leur offrir des solutions, s’ils le souhaitent, pour arrêter. Le durcissement de la loi face au Cannabis serait au contraire, pour le maître de conférence, une manière de continuer de « bafouer le droit fondamental« , perpétuant les discriminations ethniques.
La différenciation face à la loi, interview de Renaud Colson, par Cerise Robin
Selon un sondage Ipsos d’octobre 2016, 52% des personnes consultées sont favorables à l’ouverture d’un débat. Et 82% d’entre elles pensent que la législation actuelle est inefficace.
Retrouvez l’interview complète de Renaud Colson à la fin de l’article.
Renaud Colson – L’inévitable légalisation du cannabis
La légalisation pour baisser la consommation
Mais si les de plus en plus de spécialistes plaident pour un allégement de la législation, c’est surtout pour enrayer un phénomène qui prend de l’ampleur. En janvier 2016, la Société de Pneumologie de langue française s’était prononcée en faveur de la légalisation de la plante. Son président Bertrand Dautzenberg confiait d’ailleurs qu’il était persuadé que la pénalisation était la cause de la situation :
« Je suis persuadé que la pénalisation est la cause de cette situation. C’est une loi trop répressive qui aggrave la situation sanitaire du pays même si elle est pleine de bonnes intentions. Je suis sûr que si on sort de cette loi, on va diminuer la consommation de cannabis et supprimer les formes les plus dangereuses. Il faut regarder les chiffres pour affirmer cela. »
Tout en remettant en cause la stigmatisation de la drogue lors des séances d’informations dans les collèges et lycées. Cependant, l’idée n’est pas de dénigrer la dangerosité du cannabis.
Aujourd’hui, l’herbe est deux à cinq fois plus concentrée en THC qu’il y a 25 ans. A ce niveau les effets physiologiques et psychologiques sur la construction d’un individu avant ses 18-20 ans n’est pas à relativiser.
Trois joints égalent un paquet de cigarettes
Les conséquences d’une consommation de cannabis dépendent de la dose mais aussi de l’individu. Toutefois, parmi ce qui a pu être observé, on constate assez généralement une augmentation du rythme cardiaque, et un gonflement des vaisseaux sanguins, qui se manifeste en particulier par des yeux rouges. De même, cette substance interfère avec un réflexe permettant à l’organisme de réagir par une vasoconstriction en cas de baisse de la tension artérielle. Ce qui peut conduire à un accroissement des risques quant à l’approvisionnement en oxygène du coeur et du cerveau. Faiblement toxique, le Cannabis est cependant à l’origine d’accidents cardiovasculaires, mais aussi d’accidents de voiture.
La drogue crée également des désordres au niveau neuronal. Si une personne a une consommation régulière avant sa majorité, avant donc que son cerveau se soit tout à fait développé, les dangers sont accrus. L’amateur de cette herbe va ainsi impacter sa mémoire, sa capacité de concentration et de réflexion, à plus ou moins long terme. Cependant, les études sont encore récentes et elles ne permettent pas de comprendre complètement ce qui se passe réellement dans le cerveau.
Toujours au niveau du cerveau, le Cannabis s’est avéré être un déclencheur de la schizophrénie chez les individus porteurs, mais aussi un amplificateur de la dépression pour les personnes fragiles.
Enfin, des récepteurs cellulaires au THC sont présents dans les testicules. La drogue peut donc avoir des effets au niveau du système reproducteur mâle. Elle réduirait les capacités de fertilisation.