Pour cette dernière session du pôle Poésie, lecture-rencontre sur le Campus du Tertre de Nantes, les étudiants nantais ont pu partager deux heures avec une figure incontournable de la littérature française, Jacques Roubaud, professeur de mathématiques et créateur de poésie.
Il est l’auteur d’une oeuvre à l’image de son intelligence, polymorphe et systémique. Son œuvre foisonnante, ramifiée et structurée est le fruit d’une exploration constructive sans cesse en cours dont les limites sont celles de l’esprit marcheur. En témoigne le titre d’un de ses premiers ouvrages « Morphismes rationnels et algébriques dans les types d’A-algèbres discrètes à une dimension ».
Une facette parmi d’autres
Jacques Roubaud joue avec les casquettes qu’on lui prête. Tour à tour spécialiste de la littérature médiévale, traducteur du japonais ancien et de l’anglais moderne, pilier de l’Ouvroir de Littérature Potentielle (l’Oulipo), docteur en mathématique et en littérature, compilateur de milliers de sonnets –les siens et ceux des autres et beaucoup d’autres choses, il est l’auteur de plus de 50 ouvrages.
A chacun des ses livres, il s’impose une nouvelle contrainte, un nouveau modèle qui sert de terreau fertile à l’expression d’une sensibilité aux choses.
Quelques balises. « Elément » croise le jeu de Go et des enchevêtrements fractal de sonnets, c’était en 1967. Les six volumes du Grand Incendie de Londres, qualifiés de « prose de la mémoire » s’étendent de 1989 à 2009 . On pourrait citer aussi La Belle Hortense, immense pseudo-roman, Quelque-chose noir, Boucle et tant d’autres.
Contraintes de l’écriture
A vrai dire, Jacques Roubaud n’est pas le premier à être à la fois mathématicien et poète. Yves Bonnefoy, qui fut son directeur de thèse, mais aussi Eugène Guillevic, ou, au 16°s, Jacques Pelletier du Mans, Leibniz ou Descartes cumulaient également les rôles.
Mais la poésie ne jouit pas d’une bonne réputation, quand elle ne souffre pas d’une absence de réputation tout court. Alors, un poète-mathématicien, quel ennui !
Pas d’inquiétude : chez Jacques Roubaud la contrainte de l’écriture en vers ou en proses crée des images et du sens, certes, mais ce sont bien la mémoire, la sensibilité, la subjectivité, le sentiment, et parfois l’indicible douleur qui sont le fluide vital ses livres.
Une conception rationnelle
Chaque pan de l’œuvre de Jacques Roubaud s’établit au croisement d’un enchâssement rigoureux de structures et d’une subjectivité alimenté par les mouvements de la mémoire.